Les chevaux de race Camargue
Selon la légende, le Camargue serait né de l’écume de la mer ; pour les scientifiques, il descendrait directement du cheval préhistorique de Solutré. Mais tout le monde s’accorde à dire qu’il est l’un des chevaux les plus rustiques puisque façonné par le mistral, le soleil, l’humidité et les moustiques de son berceau d’origine.
Ce petit cheval vit toute l’année à l’extérieur et se contente d’une nourriture rare et pauvre. Il est une monture équilibrée qui sait s’adapter aux enfants comme aux adultes, pour la balade ou le travail avec les "toros". Même s’il a la taille d’un poney (moyenne de 1,35 à 1,45) il n’en a pas sa morphologie. Son dos et son encolure courts, ses membres forts, ses postérieurs légèrement cagneux, sa croupe puissante et ses pieds sûrs en font un cheval porteur et très maniable, aux petits démarrages nerveux et cela sur tous les terrains.
Ses effectifs ne sont plus que de quelques centaines de reproducteurs en France. J’en possède plus de 40.
Souvent de couleur brune ou noire à la naissance, il s'éclaircit avec l'âge, jusqu'à devenir "blanc" vers 5 à 7 ans. Les puristes disent qu'il est "gris", car il naît foncé et sa peau reste sombre et non rose sous le poil (sauf aux endroits où il avait des taches blanches à la naissance : balzanes, en-têtes...).
Les poulinières mettent bas à l'extérieur, sans aucune intervention humaine autre que des heures de surveillance, de loin, pour ne pas les déranger. Une jument est capable de retarder sa mise bas de plus d'un mois si elle ne se sent pas suffisamment en sécurité pour faire son poulain. Et si la jument sent que son poulain est anormal ou qu'elle ne pourra pas subvenir à ses besoins alimentaires (période de sécheresse par exemple), ou encore si elle veut être saillie par un nouvel étalon, elle est capable de s'avorter volontairement... Il est donc très important de leur laisser une liberté suffisante pour que leurs instincts naturels puissent s'exprimer pleinement.
Différents usage du cheval camargue (entre autres) :
Traditionnellement utilisée comme monture pour le travail du bétail par le gardian (cow-boy du sud de la France), il servait aussi à tirer une charrette pour les travaux dans les champs ou pour
emmener la famille à la messe le dimanche. Cheval-compagnon, il permettait aussi aux gardians de se mesurer dans des jeux équestres.
Cheval franc et doux, même s’il est parfois joueur ou têtu, il s’adapte parfaitement à toutes les disciplines et au niveau de son cavalier : vif, maniable et réactif avec un expérimenté ; docile et compréhensif avec un enfant, un "touriste" ou son cavalier blessé ! Comme tout cheval de travail, il n’a jamais un mauvais fond. On peut par exemple le laisser tout un hiver dans des conditions de semi-liberté au fond d’un marais sans s’en préoccuper, on le retrouvera au printemps prêts à être monté sans préparation préalable !
A la ferme céres, les chevaux naissent et grandissent en troupeau : c’est la garantie d’un cheval équilibré dans sa tête. Le poulain ne sera manipulé dans ses premiers mois que s’il est lui-même demandeur. Entre 6 mois et un an, il sera manipuler pendant quelques heures ou jours, en prévision de la "ferrade". Je demanderai au poulain d’accepter le contact de l’homme, de se laisser licoler et de donner ses pieds.
La ferrade est une pratique traditionnelle camarguaise consistant à identifier l’animal (comme on pose une boucle dans l’oreille d’un veau ou une puce électronique sous la peau) à l’aide d’un fer chauffé à rouge. Ceci a comme intérêt principal de permettre l’identification visuelle rapide de l’animal (pas besoin de lecteur de puce électronique !), certains apprécient aussi son aspect anti-vol ou encore esthétique ou publicitaire. Cet évènement se déroule dans le respect du poulain, il est indolore tant qu’il est bien pratiqué (seule la base des poils est brûlée, la peau n’est pas traversée). Le poulain sera encordé pour être couché et maintenu au sol, ce qui permet son immobilisation horizontale et empêche les mouvements qui pourraient conduire le fer à percer le cuir. Pendant toute l’opération (de l’encordement, au couchage et au maintien au sol), le poulain sera rassuré par quelqu’un qui lui caresse la tête et l’encolure. Je laisserai ensuite le temps au poulain de se relever seul, et je vérifierai immédiatement, puis pendant plusieurs jours, que la zone marquée est indolore si le poulain accepte qu’on la touche.
Jusqu’au sevrage, que la jument pratique de manière naturelle, le poulain n’est jamais séparé de sa mère. Cela permet, même si le poulain n’est pas manipulé lui-même, de lui apprendre les choses par mimétisme en manipulant sa mère à ses côtés. La plupart des poulinières peuvent être montées avec un simple licol en plein champ.
Ensuite, selon le sexe et les affinités de chacun, le jeune cheval restera avec un groupe apte à lui "apprendre sa vie de cheval"… Contrairement aux bovins qui se regroupent par âge et sexe uniquement, les chevaux ont aussi des critères de lignées familiales principalement du côté maternel. Ainsi, un poulain de l’année sera souvent gardé par son grand frère ou sa grande sœur et des liens profonds les uniront. Les mâles sont gardés entiers au moins jusqu’à leur débourrage. Je trouve qu'il est plus facile de castrer un cheval qu’on ne veut plus entier que d’essayer de recoller des morceaux ôtés trop tôt !
Les entiers sont regroupés en groupe de "mâles solitaires" comme dans la nature. Alors que les pouliches resteront avec d’autres femelles. On distingue très vite les différences de comportements sociaux ou alimentaires entre les sexes. Les mâles joueront pendant toute leur adolescence à se "mesurer" gentiment, tandis que les femelles accepteront tout de suite la suprématie de la jument dominante.
Un mâle resté entier plus longtemps développera une autre musculature qu’un hongre et son caractère ne sera pas du tout plus difficile, si la conduite du troupeau est réalisée convenablement et qu’il peut avoir suffisamment de contacts sociaux avec d’autres entiers de différents âges. Au contraire, cela fera généralement un cheval plus sensible et plus réceptif, et qui respecte énormément la hiérarchie (ce qu’on utilisera sans modération avec l’équitation dite "éthologique").
Le débourrage commence à partir de 4 ans, quand les poulains commencent à devenir "porteurs" même si on sait qu’ils grandiront et s’épaissiront encore jusqu’à 6 à 8 ans. Pour habituer le jeune cheval, on utilisera là encore d’autres chevaux déjà dressés pour leur "montrer la voie", aucune technique pouvant altérer le caractère ou la santé du cheval n’est utilisée. On s’adapte au rythme du poulain et à ses progrès la plupart sont travaillés moins d’une heure avant de faire leur première sortie montée en extérieur ! Par contre, on ne commencera le travail sur d’autres qu’à partir de leurs 6 ans car ils ne sont pas assez matures ou confiants avant cela.
Le débourrage est considéré comme fini quand le cheval accepte les aides du cavalier pour ralentir, accélérer et tourner. Il est désensibilisé à l’extérieur et ne s’affole pas d’une branche qui lui touche les flancs, d’une moto ou d’un tracteur croisé sur la route ou d’un chien qui lui aboie dessus.
Comme pour l’alimentation et les traitements utilisés, j’essaye d’utiliser le matériel le plus doux et le plus adapté au cheval. Les animaux ne sont pas ferrés mais parés physiologiquement ; les jeunes chevaux (même les étalons) peuvent être montés "bitless" en licols ou hackamore (mais ils ont aussi été habitués au mors pendant leur débourrage).
Dès que l’occasion se présente, les animaux sont montés dans des démonstrations, des fêtes ou petits concours, au milieu d’autres animaux, des voitures, dans les vaches, etc. Plus le poulain aura
fait d’expériences différentes lors de son éducation, plus il sera une monture sûre et agréable.
Je propose aussi aux acheteurs de s’investir dans le débourrage de leur propre poulain ou au moins d’y assister.
